Dans ces peintures, la figuration n'est ni le but ni l'origine de l'œuvre.
C'est donc de l'abstro-figuration, qui assure une suite logique au conceptualisme.
En effet, ici comme ailleurs, l'ombre et la lumière redessinent
tout, même chacun d'entre nous.
Giró
Exprimez vous, votre avis nous intéresse Ici
Giró est peintre avant tout.
Il travaille à l’huile sur bois, sur toile et sur métal. Il réalise également des œuvres en volume. Mais le choix de l’huile n’est pas nostalgique, seulement elle a un temps de séchage moins contrôlable, ce qui permet à Giró de dialoguer plus longuement avec la matière picturale.
Les supports sont variés comme chez tous les peintres, mais Giró a privilégié les supports solides pendant l’apprentissage de son métier, ce qui engendre une technique où il y a très souvent autant de dépôt que de retrait de la matière. Seuls des supports résistants provoquent une expression virile et séduisante. La peinture est donc déstabilisée de son support par ces retraits, à l’aide de ponceuses, perceuses, fraises de dentiste : le résultat correspond à un arbre fruitier taillé ou greffé, ce qui lui donne un caractère inimitable et accroît la qualité de ses fruits...
Pour reprendre un terme cher aux turfistes, Giró travaille sur la distance. Il aime les grands parcours, les grands formats. Il se déploie avec une évidente ivresse dans l’espace. Pour lui, la peinture est une inscription indélébile et intemporelle, une écriture qui soit de toute époque.
Il peint peu sur la toile. Il s’attaque surtout à une matière noble et durable : le bois. Chaque surface est parcourue de lignes, de griffures, d’entailles dynamiques qui irriguent l’ensemble, se frayant un chemin dans les fibres mêmes du bois, piégeant la lumière. Et chaque parcelle offre une combinaison très fine de tons harmonieux, requérant la lutte des valeurs colorées cherchant à rendre la patine des bois flottants. Dès lors, la peinture est voulue comme une création quasi charnelle. Comme une équivalence sensible de la vie même.
Indifférent aux modes, le peintre se colle avec la matière, la dompte et la contraint à exprimer un univers de beauté ample et serein qui sublime l’affectivité. La création de formes concrétise une projection imaginaire qui possède la même évidence que la représentation de scènes mythiques, imageries sensuelles empruntant aux archétypes, du couple, de la maternité, du rapt lié aux cavales de l’oiseau roi de l’azur. Ces visions correspondent à la dimension épique, la fresque, le bas-relief. Ses œuvres méritent d’être placées dans un grand espace, dont leurs superbes et puissantes créatures ont la peau qui ruisselle, de bonheur.
Yves Cosson
RENCONTRE AVEC GIRÓ ARTISTE PEINTRE
La saison culturelle d’été de La Baule démarre très fort à La Chapelle Ste Anne. Ce lieu central est remodelé par la présence d’un artiste peintre qui en a fait une exposition magique : la chapelle est utilisée comme une sculpture redessinée par l’artiste qui l’intègre à son œuvre par un cheminement de cimaises dans un labyrinthe de méandres surprenants. Les œuvres de Giró et la chapelle sont en osmose, ce relookage interpelle tout à chacun.
La peinture de Giró est puissante, sur des supports solides (bois - zinc - toile marouflée), vigoureuse mais élégante. C’est une peinture à l’huile très dynamique mais jamais autoritaire. On imagine facilement la gestualité très virtuelle qui a permis tant d’autonomie à la pigmentation colorée. Certains comparent cette palette expressive au flux et au reflux que provoquent les éléments. C’est une œuvre abstro-figurative qui a toujours pour origine une abstraction lyrique, et parfois pour aboutissement une écriture figurative. Cette exposition a admirablement dosé un judicieux aller et retour entre l’abstraction et la figuration.
Il semblerait que la figuration n’apparaisse qu’à travers
un ponçage irrespectueux pour transformer ces strates de peinture
en traces de vie. Le résultat est solide, en ébullition,
généreux. Une telle fougue est l’aboutissement
de l’utilisation d’instruments contemporains comme les
tronçonneuses à couper le béton, ponceuses et
autres outils habituellement inconfortables. Il est évident
que l’artiste prend des risques à déstabiliser
sans cesse le cheminement de sa peinture. De nombreuses attaques dans
la matière et son support, des griffures, des sillons, des grattages,
proposent différents niveaux de relecture en fonction des lumières
rasantes. L’amateur d’art y trouve de multiples pièges
pour son propre imaginaire ou sa mémoire visuelle. Cela évoquerait-il
Soulage en couleurs ? Non, ici le travail est
« recompartimenté » par un cocktail d’écritures
d’autres artistes qui ont également précédé l’arrivée
de Giró. Ce n’est pas une œuvre sous influence, c’est
une passion pour la peinture qui a une mémoire mais qui offre d’abord
des horizons nouveaux.
Le succès de cette peinture deviendrait-il incontournable ? C’est l’actuelle opinion des Barcelonais qui viennent de l’exposer, en même temps que les américains de Charlotte. Les Parisiens en bénéficieront eux en octobre prochain.
L’artiste a un contact extrêmement facile, le dialogue est certainement son principal mode de fonctionnement tant dans sa vie que dans l’œuvre qui la prolonge. Né en 1945, après ses diplômes aux Beaux-Arts, il crée sa propre académie de peinture en 68. Cette expérience va durer treize ans car il décide de se consacrer exclusivement à sa peinture. Il en résulte un parcours sans faute qui lui garantit une œuvre très personnelle parmi les peintres professionnels. Il a une grande production. Grâce à cela, ses œuvres sont disséminées un peu partout.
Franchir le seuil de la galerie De Arte, revient actuellement à se plonger dans le tourbillon de la dernière production de Giró. Ou plus exactement à se laisser enivrer par un flux de couleurs conduisant en déambulations dans un univers aussi proche que mystérieux.
Giró pour une bonne part travaille le bois, soumettant ses panneaux de formats très variables à des altérations sous les effets d’une ponceuse tantôt agressive tantôt caressante. Surgit ainsi en couches de peintures et stratifications révélées, un jeu de transparence. Telle une dissolution colorée.
Comme dans un bas-relief, un visage apparaît, un profil se dessine dans l’épaisseur du bois. Les couleurs se fondent, emplissent les excavations, courent, se diffusent selon l’angle de lumière. L’œuvre ne révèle jamais son sujet. Giró ne cesse de jouer de l’ambiguïté entre l’abstrait et le figuratif, aime surprendre, intriguer.
A l’observateur de savoir trouver, en assemblant ou dissociant les formes pour déceler là un homme en armes, là un cavalier, là un visage…Les compositions se succèdent sans laisser le moindre répit. Le regard plonge dans une peinture qui captive et embarque.
S.A. Montassier